Chutes de plain-pied : tellement prévisibles !
Le risque d’accident de plain-pied est un vrai risque professionnel. La preuve : chaque année les chutes de plain-pied sont responsables de 25% des accidents déclarés par les employeurs. Trébuchements, glissades, faux pas ou perte d’équilibre sont le plus souvent dus à un espace au sol encombré et à des surfaces rendues glissantes. La prévention passe par une signalisation appropriée, la mise en place de supports anti-dérapants et le port de chaussures adaptées à l’activité et au terrain.
Plus de 162.000 accidents de plain-pied, ayant entraîné près de 9,5 millions de journées d’arrêt de travail, tous secteurs d’activité confondus, ont été recensés par la CNAMTS en 2009. Ceux-ci représentent 25% du nombre total des accidents déclarés, et la même proportion en termes de jours. Ce risque, présent dans les métiers du bâtiment, des services et des transports a par ailleurs entraîné le décès de 21 salariés. « Tous les secteurs d’activités sont touchés, et les circonstances sont extrêmement diverses. Les lésions engendrées peuvent être des contusions, des entorses, des plaies, des fractures... En cas de perte d’équilibre, la victime peut tomber sur un objet dangereux ou chercher à se rattraper au support le plus proche. Les conséquences dépendront donc de la dangerosité de son environnement. Même si la victime ne tombe pas, les lésions peuvent tout de même être graves » notent les experts de l’INRS.
Cinq catégories d’accidents
L’Institut a analysé les accidents de plain-pied les plus graves. Cinq catégories, regroupant les atteintes les plus sérieuses, ont ainsi pu être mise en évidence : l’utilisation de machines (44%) ; la manutention manuelle ou mécanique (28%) ; le déplacement (15%) ; le ramassage des ordures ménagères (7%) ; le travail sur chantier (6%). L’INRS qualifie de « chutes de plain-pied » les glissades, trébuchements, faux-pas et autres pertes d’équilibre sur une surface «plane», même s’il n’y a pas à proprement parler de chute, la victime pouvant avoir rétabli son équilibre et s’être blessée à l’occasion ou avoir entrainé des objets lourds dans son déséquilibre... Selon les cas, ne sont prises en considération que les surfaces ne présentant aucune rupture de niveau ou bien présentant des ruptures de niveau réduites (telles que trottoir, marches ou plan incliné).
Tous les secteurs sont concernés
L’erreur courante consiste à penser que ce genre d’accident est imputable au salarié maladroit. C’est ignorer que ces accidents sont plus fréquents dans certains environnements que dans d’autres, même si tous les secteurs d’activité sont concernés. Ainsi, par exemple, les ouvriers non qualifiés sont plus souvent victimes d’APP que les autres, notamment dans les secteurs du BTP, de l’agroalimentaire, du bois ou du textile. De plus, les taux de fréquence indiquent que ce sont les jeunes (-20 ans à 39 ans) qui sont les plus touchés (toutefois le taux d’incapacité augmente avec l’âge). En valeur absolue, le nombre d’accidents de plain-pied avec arrêt est le plus élevé dans les branches « activités de service » et « services, commerces et industries alimentaires », suivi par la branche « industries du bâtiment et des travaux publics (BTP) ». En revanche, c’est dans la branche BTP que le taux de fréquence est, de loin, le plus important.
Combinaison de facteurs
Une perte d’équilibre est généralement provoquée par une combinaison de facteurs d’ordre matériel, environnemental, organisationnel et/ou individuel (émotion, fatigue, inattention…). Chaque facteur de risque pris isolément est rarement la cause d’un accident de plain-pied. C’est la combinaison de plusieurs de ces facteurs qui rend une situation dangereuse. C’est aussi cette conjonction, difficile à analyser car diffuse, qui rend compliquée la tâche des préventeurs, même s’il est prudent de remédier au plus vite à certains facteurs pris isolément (sol glissant ou accidenté, notamment). Cette prévention est plutôt rare en entreprise : les APP sont trop souvent considérés comme bénins ou comme n’étant pas propres aux situations de travail, d’autant qu’ils n’occasionnent habituellement qu’une seule victime. De plus il est difficile de sensibiliser les intéressés qui considèrent la plupart du temps qu’il s’agit d’un risque de la vie courante. Seul peut-être le risque de glissade est-il réellement pris en compte, et encore…
Sol antidérapant
Un sol glissant, affaissé, usé, ou présentant une différence de revêtement sera par nature plus dangereux. A cela s’ajoute le risque représenté par la présence au sol d’outils oubliés, et parfois un mauvais éclairage des lieux. Pour les préventeurs la notion de « travail dans l’urgence » lors d’une intervention est un facteur aggravant des chutes de plain-pied. Le choix des revêtements constitue aussi, chaque fois que cela est possible, une occasion d’offrir un sol ayant des propriétés antidérapantes. En extérieur il conviendra de veiller à ce que la surface soit prévue pour les intempéries, l’employeur devant mettre à disposition de ses salariés, si les conditions l’exigent, des chaussures à semelles antidérapantes. « Il faut savoir toutefois, précisent les experts de l’INRS, que les chaussures qualifiées d’antidérapantes par les fabricants sont adaptées aux sols industriels durs lisses et gras. Elles ne seront donc pas nécessairement les plus antidérapantes lorsqu’il s’agit de travail sur chantier par exemple. »
Un tiers des accidents
« Nous recensons en moyenne 6 accidents avec arrêt par an, deux d’entre eux (un tiers) sont dus à des chutes de plain-pied. La durée moyenne des l’arrêt est souvent d’un mois par accident. Il n’est pas rare qu’il s’agisse de fractures des poignets ou des doigts » nous a confié le responsable SQE au sein de l’Entreprise Petit, qui emploie 285 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 110 millions d’euros dans l’activité de la construction et la réhabilitation de bâtiments à Paris. Les chutes sont essentiellement causées par des sols encombrés ou glissants. La démarche de prévention consiste à organiser le travail, les déplacements et les aires de stockage. Depuis plusieurs années l’entreprise a mis en place des plans de circulation qui sont matérialisés physiquement au sol. S’il est relativement aisé de procéder de la sorte dans un atelier ou un entrepôt, avec notamment des marquages au sol, la chose est plus complexe sur un chantier qui par définition évolue et se transforme dans le temps. « Nous implantons directement au sol des garde-corps avec des potelets à bloqueurs tous les 1,50 m. Malgré la contrainte que cela représente, les résultats sont vraiment encourageants. Ce système rend le chantier plus lisible et évite de poser ou de stocker du matériel dans les zones de circulation» complète ce responsable, qui mesure aujourd’hui le chemin accompli en matière de sécurité par rapport au risque de chutes.
EPI : incontournables
En termes d’évitement des glissades, la chaussure de sécurité va également  jouer un rôle important. « Nous associons régulièrement tous nos bâtisseurs au choix des EPI, ce sont eux les premiers concernés. Ils sont tout à fait légitimes pour nous faire remonter leurs remarques ou leurs réserves. Par exemple à la suite d’un accident sur une dalle gelée, nous avons changé de modèle de chaussures. Celles-ci n’étaient pas assez antidérapantes. L’autre critère important est le poids des chaussures, le compagnon ne doit pas avoir l’impression de porter des sabots tout au long de la journée ! Mais il faut aussi considérer la qualité du plastique, celui-ci ne doit pas se fendiller et faire entrer l’eau quand il pleut» conclut le responsable SQE. A défaut de chaussures ou de bottes antidérapants, des sur-chaussures peuvent se révéler parfaitement suffisantes.
Signalement au sol
« La chute de plain-pied en elle-même n’a pas forcément de conséquence grave, le vrai problème vient de l’objet ou de la machine sur lesquels on peut chuter. Par ailleurs on observe aussi un certain nombre d’accidents dus à des actions mécaniques du salarié qui peut lâcher une clé ou un outil et perdre l’équilibre », nous a précisé Patrice Devaux de l’OPPBTP, insistant lui aussi sur la bonne organisation des chantiers. Si les câbles électriques des petits matériels portatifs ne représentent pas forcément un danger – malgré le risque de trébuchement – les plus gros tuyaux ou câbles d’alimentation doivent impérativement être signalés et mis sous goulotte. Idéalement, et quel que soit l’environnement de travail, il est préconisé de matérialiser au sol, par des marquages de couleurs différentes les espaces de circulation (piétons et engins), les accès, ainsi que les postes de travail.
APP : malheureusement banalisé
Parce que l’APP est banalisé dans l’esprit des gens, tenu pour une fatalité ou un incident de la vie courante, il convient d’accompagner les actions par de l’information et de la formation, en insistant sur la fréquence et la gravité de ces accidents afin de leur faire prendre conscience du danger.
Accident de plain-pied ?
Les accidents de plain-pied sont causés par les glissades, les trébuchements, les faux pas et les pertes d’équilibre sur une surface plane (y compris les escaliers), même si ils ne sont pas suivis de chute. Un mauvais mouvement, qui évite la chute, peut être une cause d’accident. Une surface plane est une surface qui ne présente pas de rupture de niveau ou des ruptures mineures (comme les trottoirs, les marches ou les plans inclinés). Les accidents qui en résultent peuvent également survenir sur des surfaces présentant des ruptures de niveaux (pavés, trottoirs, marches…).
Ce type de chute prête trop souvent à sourire, mais lorsque la victime ne se relève pas, on comprend trop tard qu’elle est peut-être victime de contusions, d’une entorse, d’une plaie ou d’une fracture… lorsque les conséquences ne sont pas plus graves !
3 questions à...  Guillaume GUITTEAU, Directeur d’un restaurant Quick, Toulouse. 
A quels types de chutes de plain-pied êtes vous confronté ?
Dans un restaurant, particulièrement en cuisine, la glissade suivie d’une chute est un accident fréquent. Il y a quelques années, nous avons reçu la visite de la CRAM, qui nous a annoncé que nous étions dans le top 10 des entreprises toulousaines – il y en a plusieurs milliers… – pour les accidents du travail, alors que nous avions une trentaine de salariés ! L’analyse nous a révélé que 90% de nos accidents étaient consécutifs à une glissade. Nous nous sommes tout de suite attelés à ce problème, estimant qu’il fallait y mettre fin au plus vite.

Quelles solutions avez-vous envisagé pour remédier à ce risque ?
Nous avons travaillé sur la qualité des sols, qui nous a semblé le chantier le plus urgent. Nous avons mesuré le coefficient d’adhérence des sols qui étaient en place, ainsi que ceux des revêtements ou des genres de sols qui nous ont été proposés. Nous avons jugé leur efficacité insuffisante, s’agissant de sols souvent humides, entretenus tous les jours. Les sols de cuisine sont difficiles à garder propres et ont tendance à vite s’encrasser. Ce sol doit être facile à entretenir. Malheureusement les sols les plus sûrs sont difficiles à entretenir si l’on veut qu’ils soient efficaces. C’est alors que nos avons recherché les alternatives.

Quel a été votre choix final et qu’est ce qui l’a motivé ?
Nous nous sommes intéressés à l’humain et aux équipements de protection. C’est alors que nous avons entendu parler des sur-chaussures Tiger Grip. Elles s’enfilent directement sur des chaussures normales et sont extensibles ; elles ne retiennent pas l’eau, ce qui est la seule solution higiénique et elles sont inusables. C’est un restaurateur qui a inventé cet équipement, ayant été confronté au même problème. Depuis que nous sommes équipés, il n’y a plus eu une seule glissade : c’est d’une efficacité redoutable. Notre taux d’accidents du travail a aussitôt chuté de 90%. Aujourd’hui, ces chaussures sont référencées et mises à disposition dans la plupart des établissements Quick, et il y en a plus de 400 en France.
Nettoyer mieux avec moins d’eau
Particulièrement dangereuse dans sa forme solide (les surfaces gelées), l’eau est souvent la cause première d’une glissade dans certains environnements (restauration, industries agro-alimentaires). Indispensable dans les processus de production et de nettoyage, l’eau peut être maîtrisée.
Ainsi, depuis l’apparition et la montée en puissance de produits tels que les microfibres un nettoyage efficace des sols peut s’envisager en réduisant très significativement les quantités d’eau utilisées.
Cette matière qui a révolutionné l’essuyage présente un double avantage : sa capacité à accrocher très efficacement les salissures et son pouvoir d’absorption des liquides. Les utilisateurs reconnaissent que les temps de séchage ont été considérablement réduits, voire éliminés complètement, avec un résultat souvent supérieur en termes d’efficacité. Il convient aussi d’ajouter à cette panoplie une autre famille de produits de plus en plus utilisée en restauration et agro-alimentaires : les produits enzymatiques.
Grâce à ces bactéries capables de digérer les graisses, les sols peuvent être traités très efficacement sur la durée, en réduisant très fortement les quantités d’eau. Le produit agit en cassant les molécules de graisses, éliminant ainsi une cause importante de glissade…