Risque chimique : quelle protection pour le visage ?
Le risque chimique existe quand une substance projetée vers un opérateur ou présente dans le milieu ambiant est susceptible de réagir avec les composants de l’œil, les muqueuses ou la peau. Ce risque se présente sous la forme de poudres, d’aérosols, de liquides, de gaz ou de vapeurs.
Lorsqu’il s’agit de protéger la peau d’une exposition à des produits dangereux pour la santé, le port d’EPI (équipements de protection individuelle) est parfois nécessaire et à tout le moins, recommandable. Il suffit d’ailleurs qu’existe un risque résiduel d’exposition, même en dépit des mesures de protection collective existantes, pour que ces équipements individuels soient justifiés. Ces équipements doivent alors être conçus dans des matériaux résistants aux produits manipulés et être adaptés aux contraintes liées au poste de travail.  Pour sa part, l’employeur doit mettre gratuitement des EPI à disposition de ses salariés (appareils de protection respiratoire, gants, lunettes, vêtements de protection…), certifiés CE et adaptés à la tâche à effectuer. L’employeur est également tenu d’en assurer l’entretien et de les remplacer si besoin..
Contraintes au poste de travail
Les contraintes liées au poste de travail doivent être connues au moment du choix de l’équipement de protection (variation température engendrant de la buée, intempéries, luminosité, port d’autres EPI ou de lunettes de vue…). Avoir connaissance de ces contraintes permet de choisir un EPI adapté en termes de neutralité optique, de maintien sur le visage ou de traitement anti-buée, par exemple. Il est connu que le port d’EPI sur de longues périodes occasionne de la gêne ou de l'inconfort (poids,
chaleur, pression excessive sur une partie du corps, gêne auditive ou visuelle, perte de dextérité…).
Faire accepter les EPI
Plusieurs règles permettent de faciliter l'acceptation de l'EPI et d’améliorer son efficacité, comme, par exemple :
- choisir un EPI adapté à la nature du risque, aux caractéristiques du salarié (morphologie) et aux tâches à réaliser (pénibilité, durée, température…)
> associer les utilisateurs aux choix des EPI, les consulter au préalable,
> former les opérateurs à l’utilisation des EPI
> adapter les rythmes de travail pour prendre en compte les contraintes générées par le port d’EPI,
> prendre conseil auprès du médecin du travail pour identifier les EPI adaptés et rechercher des solutions appropriées pour certains salariés (allergiques, porteurs de lunettes…)
> tester l’efficacité des EPI au poste de travail.
Lunettes, masques, écrans faciaux
Poudre, aérosols, liquides, gaz, vapeurs… les substances projetées ou présentes dans le milieu ambiant peuvent réagir avec l’œil ou la peau. Le port d’un équipement de protection des yeux ou du visage (lunettes, lunettes masques, écrans faciaux…) se révèle alors nécessaire. Le choix de cet équipement résulte de l’analyse préalable des risques auxquels sont confrontés les salariés. Il doit être adapté aux contraintes de la tâche à réaliser (minutie, perceptions nécessaires des formes et couleurs, position du travailleur…) et de l’environnement de travail (luminosité, humidité…). Enfin, cet équipement doit évidemment s’adapter au visage de l’opérateur
3 questions à... Jean Michel Bar, Responsable HSE sur un site Solvay
A quels genres de risques vos opérateurs sont-ils exposés ?
Solvay fabrique et utilise des produits chimiques, tels que l’acide nitrique, l’acétate de cellulose ou encore un herbicide. Concrètement, le risque est la projection de produits chimiques solides ou liquides ou leur inhalation. Aujourd’hui, nous sommes bien classés en termes d’accidentologie, en dessous des taux observés dans notre secteur.

Quels équipements de protection avez-vous envisagés ou installés ?
Nous avons naturellement mis en place des protections collectives, comme des équipements fixes là où il y avait des risques de projections. C’est le cas notamment avec la prise d’échantillon capacitive, pour laquelle les opérateurs ne sont pas du tout exposés au risque de projection et sont totalement isolés du produit. Lorsqu’il n’était pas possible de remplacer un produit dangereux ou de mettre en place une protection fixe, nous avons recherché les EPI les plus performants : lunettes étanches, visières (pour toutes les situations de dépotage) ou cagoule et tenue anti-acide (pour la maintenance ou les travaux sur les équipements).

Etes-vous satisfait de vos EPI ?
Il est parfois indispensable de combiner plusieurs EPI. Par exemple, afin de protéger le visage et les voies respiratoires lors de ruptures de confinement sur un produit dangereux, nous avons fait concevoir sur mesure, en collaboration avec un fabricant, une cagoule spéciale à protection respiratoire intégrée.
En effet, cette protection n’existait pas tel que nous le souhaitions à cette époque. Depuis, on constate que ce produit est désormais commercialisé par d'autres fabricants. Nous sommes satisfaits des protections et des équipements mis en place. C’est naturellement améliorable et nous y travaillons chaque jour.
Nous réfléchissons avec nos fournisseurs et nous leur faisons remonter nos remarques. C’est le cas notamment avec Uvex : nous avions par exemple un problème de fiabilité dans le temps avec des lunettes de protection étanches fixées à un casque ; il nous a fallu un peu plus de 2 ans pour trouver une solution de fixation et Uvex a aussi beaucoup amélioré le traitement anti-buée.
Nous finissons toujours par trouver une solution technique.
Trois types de protection
De nombreux modèles d’équipements de protection des yeux et du visage sont disponibles sur le marché. En simplifiant un peu, il en existe trois types principaux, qui peuvent être pris en considération dès lors qu’ils portent bien le marquage CE :

> lunettes à branches (avec ou sans protections latérales) : ce type de protection n’est pas étanche vis à vis du milieu ambiant. Ces lunettes peuvent comporter un seul oculaire (comme un écran) couvrant les deux yeux, ou deux oculaires distincts. Selon les modèles, certains pourront être équipés d’oculaires correcteurs de la vue, ou bien pourront être portés par-dessus des lunettes correctrices.
> lunettes masques : comme les lunettes à branches, le masque pourra être équipé de un ou deux oculaires, fixés dans une monture souple recouvrant la région orbitale. Semblable à des lunettes de ski, cet équipement est maintenu en place par un cordon élastique qui permet d’assurer une certaine étanchéité vis à vis du milieu environnant. Cette étanchéité peut être essentielle dans un milieu chimique et il conviendra de vérifier cette fonction. L’un des inconvénients fréquents de cet équipement est la formation de buée. Les principales façons de combattre celle-ci sont un traitement anti-buée, certains étant très efficaces, ou un système de ventilation directe ou indirecte qui réduit la formation de buée. Si le porteur est équipé de lunettes correctrices, celles-ci ne seront compatibles qu’avec des modèles de lunettes-masques avec oculaire unique. (photo à droite : Uvex)
> écran facial : cet équipement protège les yeux, mais aussi le visage et parfois le cou, ce qui en fait le seul à pouvoir prétendre à une protection globale, hors étanchéité, qu’il n’assure pas. Selon les modèles, il est fixé à un serre-tête, à un casque, à une cagoule, ou peut être aussi tenu à la main. Cet écran est parfaitement compatible avec tous types de lunettes correctrices et de nombreux masques respiratoires.
Expertise : « La buée : obstacle majeur au port des lunettes »
Valérie Muller, Chef de produit Protection de la tête, responsable marketing, Uvex
« Les produits chimiques sont porteurs de risques pour la peau, les yeux et les voies respiratoires. En Europe, Uvex est l’un des leaders, notamment en Allemagne et en Grande Bretagne. La protection du visage et des yeux est l’un de nos domaines d’expertise. Nous concevons et fabriquons tous nos produits ; ils sont solides et performants, légers et confortables, se caractérisant par leur durée de vie et la qualité du traitement anti-buée.  Pour de nombreux opérateurs, la buée est un problème récurrent, or l’opérateur qui est confronté au risque chimique doit toujours porter sa protection. On sent bien que la buée peut être une objection au port du masque ou des lunettes, or ne badine pas avec ça. Et si l’on veut que le produit soit porté, il ne doit pas provoquer de gêne. Dans les sites chimiques, les risques sont suffisamment importants pour que les acheteurs et les porteurs étudient soigneusement les choix de ce type d’EPI. Nous sommes réputés pour la performance de nos traitements anti-buée, que nous continuons à améliorer. Dans certains environnements, les équipements doivent être stériles, or l’autoclave abime les produits. Nous lançons prochainement un masque stérilisable avec traitement anti-buée, ce qui n’existait pas. Ce produit résistera à une dizaine de cycles de stérilisation qui n’affecteront pas le traitement anti-buée. Au delà, il suffira de remplacer l’écran, qui est amovible."
Témoignage : « Chaque poste de travail fait l’objet d’une analyse »
Bernard Lefebvre, superviseur du service sécurité, Arkema, Marseille
« Ici à l'usine nous fabriquons un procédé unique au monde, la poudre de base d'une matière plastique de haute performance "le Rilsan", grâce à la transformation de l'huile de ricin. De fait, les opérateurs sont exposés au risque de contact avec toutes sortes d'acides et de bases. Chaque poste de travail fait l'objet d'une analyse de risque qui débouche sur la mise en place de protections individuelles, nous organisons pour cela des études de postes.
Des tests de nouveaux EPI sont aussi réalisés dans les unités de fabrication. Les rapports de ces tests sont commentés puis validés, ou pas, par un comité EPI usine. Pour la protection du visage nous utilisons plusieurs sortes d’équipements étanches : une lunette masque ultra légère (42gr), un casque « Airwing » équipé de deux sortes de lunettes masque, une lunette « Ultrasonic » qui peut être portée avec des lunettes correctrices  et une Lunette qui peut être équipée d'un protège face qui couvre le reste du visage. Nous fournissons aussi une paire de lunettes a verres correcteurs aux agents qui en ont besoin.
C’est une paire de lunettes qui s'adapte aux lunettes masque ou aux masques a cartouche, mais qui ne sont pas des lunettes sécurité.  »
EN 166 : c’est la norme
Les caractéristiques auxquelles doivent répondre tous les protecteurs oculaires sont définies dans la norme EN 166. C’est celle-ci qui précise leur résistance minimale et leurs propriétés optiques, ainsi que les spécifications correspondant aux risques dont il s’agit de se protéger. Cette norme définit trois classes optiques (correspondant à des niveaux de qualité décroissants) :
> Classe 1 : port permanent, travaux minutieux
> Classe 2 : port intermittent
> Classe 3 : port de durée très brève.
Parallèlement, cette norme précise trois niveaux de résistance mécanique, correspondant à des protections plus ou moins fortes contre la projection de particules, particulièrement dans le domaine de l’usinage (meulage, fraisage, ponçage) :
> Symbole A : résistance aux chocs de particules à haute énergie (vitesse de projection de 190 m/s)
> Symbole B : résistance aux chocs de particules à moyenne énergie (vitesse de projection de 120 m/s)
> Symbole F : résistance aux chocs de particules à basse énergie (vitesse de projection de 45 m/s).
Les tests sont réalisés de qualification sont réalisés à une température de 23°C. Quand ces protecteurs doivent être utilisés à des températures extrêmes, les tests sont alors réalisés à - 5°C et à + 55°C, ce qui les autorise à porter en plus le symbole T. Les rayonnements, qui ne sont pas le sujet de cet article, font aussi l’objet de normes, telles que EN 169, EN 170, EN 171, EN 172.
Agents chimiques : dangereux ou pas ?
Selon les termes du code du travail (Code du travail (articles R. 4412-1 à R. 4412-58), sont considérés comme agents chimiques dangereux les agents qui sont :
> classés « dangereux » en vertu des règles européennes de classification et d’étiquetage, incluant les CMR suspectés mais à l’exclusion des agents classés CMR avérés
> affectés d’une VLEP (valeur limite d’exposition professionnelle),
> reconnus pour leur caractère cancérogène dans un tableau des maladies professionnelles (comme par exemple les poussières minérales contenant de la silice cristalline),
> identifiés comme dangereux (par exemple les agents classés cancérogènes par le CIRC mais pas par la réglementation européenne),
Des règles particulières s’appliquent aux agents CMR avérés (Code du Travail, articles R. 4412-59 à R. 4412-93) et aux procédés cancérogènes (arrêté du 5 janvier 1993 modifié). Enfin, des mesures particulières de protection visent les activités exposant à l’amiante (Code du travail, articles R. 4412-94 à R. 4412-148), au plomb et à ses composés, à la silice cristalline, au benzène, au chrome et à ses composés (Code du travail, articles R. 4412-149 à R. 4412-164). Des précisions y sont apportées sur les VLEP (valeurs limites d’exposition professionnelle), les valeurs limites biologiques, les interdictions d’emploi, la surveillance médicale, les mesures d’hygiène ou l’aménagement des locaux.
Que dit la loi ?
Les règles de prévention du risque chimique figurent dans le Code du travail (articles L. 4412-1 et R. 4412-1 à R. 4412-164). Ces règles distinguent les mesures concernant les agents chimiques dangereux, d’une part et celles propres aux agents CMR avérés (articles R. 4412-1 à R. 4412-93 du Code du travail), d’autre part. L’ensemble de ces dispositions est commenté et précisé dans une circulaire du ministère chargé du Travail (Circulaire DRT n° 12 du 24 mai 2006).
Conformément à la doctrine, ce sont les principes généraux de prévention (article L. 4121-2 du Code du travail) qui s’appliquent. Pour mémoire :
> éviter les risques, si possible en les supprimant,
> évaluer les risques et les combattre à la source,
> remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou l’est moins,
> privilégier les mesures de protection collective sur celles
de protection individuelle,
> assurer la formation et l’information des travailleurs.