Gants : concilier dextérité et sécurité
Critères de choix, car élément de confort et de productivité, la dextérité et la capacité de préhension peuvent pâtir du niveau de protection indispensable recherché par ailleurs. Les fabricants s'efforcent de réunir ces qualités parfois antagonistes dans le même produit... qui est justement celui recherché par les utilisateurs !
Protection indispensable dans une multitude de situations, les gants ne sont toujours pas regardés unanimement com-me un EPI de base, non négociable. Pourtant les mains, dont l’usage est inhérent à tout travail, sont souvent mises à rudes épreuves et subissent de nombreuses agressions : coupures, brûlures thermiques ou chimiques, piqûres, déchirures, décharges électriques, chocs, écrasements ou allergies... Premier outil de l’homme, indispensable mais fragile, la main est soumise à à un très grand nombre de risques au travail. L’absence de protection ou la négligence dans le choix d’un équipement adapté entraîne dans bien des cas des séquelles pouvant être graves voire irréversibles. Il faut en effet savoir que 27% des causes des accidents du travail concernent les mains, soit le taux le plus élevé par rapport au reste des parties du corps !
La protection prime sur la dextérité
L'une des premières raisons pour lesquelles les gants ne sont pas portés, alors même que l'employeur les propose, c'est qu'ils peuvent être une source d'inconfort, voir de gêne. C'est particulièrement vrai lorsque la préhension, d'une part et la dextérité, d'autre part ont un rôle clé dans le geste ou dans la précision requise. En effet, le besoin de protection sera jugé avec raison comme prioritaire par rapport au confort ou à l'aspect esthétique.
Avant de choisir son gant anti-coupure, il faut bien définir quel niveau de protection est nécessaire mais également dans quel milieu le gant va être utilisé, car selon que le milieu soit sec, humide ou gras, le choix de l’épaisseur et de la matière du gant sera différent.
Savoir interpréter la norme
La plupart des normes européennes concernant les gants de protection sont représentées par un pictogramme en forme de bouclier (symbole de protection face au risque) associé à une liste de niveaux de performance obtenus à un ou plusieurs tests en laboratoire. 
Les niveaux vont de 0 à 4, 5 ou 6, 0 étant un résultat insuffisant face aux critères d’une norme et 4, 5 ou 6 le niveau le plus élevé donc le plus performant. Un « X « dans un résultat de test signifie que ce test n’est pas réalisable pour cet EPI ou qu’il n’a pas été réalisé. Un seul résultat de test supérieur à 0 dans une norme suffit au fabricant pour revendiquer la conformité à cette norme. C'est dire que celle-ci doit être déchiffrée avec attention.
EPI de base !
Enoncer les usages multiples que nous avons de nos mains, c’est dire qu’elles sont irremplaçables et qu’à ce titre, elles méritent toute notre attention, nos soins et notre protection. C’est la principale raison d’être des gants. Mais il semble que trop souvent, toute l’attention requise ne soit pas portée à cet EPI qui est pourtant à la fois l’un des plus utiles et l’un des moins coûteux… Encore faut-il avoir étudié, analysé et compris dans quel contexte, et par qui, sont utilisés ces gants, faute de quoi ils se révèlent inadaptés et souvent, non portés par les intéressés. Les risques associés aux mains sont pourtant nombreux et compliquent beaucoup la protection lorsqu’ils sont combinés : mécaniques (coupure, perforation, écrasement…), thermiques (chaud ou froid), chimiques (produits).
Inévitable compromis
« Le gant idéal résiste à la coupure, assure une protection contre le risque chimique et le risque thermique et ne coûte qu’un euro, avait résumé pour nous avec ironie Marcel Willems, un directeur marketing chez le fabricant Ansell. Autant vous dire qu’il n’existe pas et que de toute façon il sera trop cher. Notre plus gros challenge, c’est de développer un produit qui soit un bon équilibre entre ces deux aspects clés que sont protection et confort. »
Un ouvrier sur deux ne porte pas les bons gants !
« Le choix d’un gant est le compromis entre protection, confort & ergonomie, a estimé pour sa part Ingrid Pruvost, alors technical Customer service chez Mapa. Trop souvent les utilisateurs refusent de porter des gants tout simplement parce qu’ils les trouvent inadaptés ou inconfortables. Le meilleur moyen d’accepter une  protection est d’être correctement informé. Beaucoup d’utilisateurs pensent à tort être protégés correctement. Pourtant, souligne-t-elle, un tiers des accidents du travail implique les mains.» Un propos qui est à rapprocher de l’estimation de Marcel Willems, selon lequel « Dans plus de 50% des cas, les ouvriers ne portent pas les bons gants. »…
Définir la priorité
Tous les gants ne peuvent être efficaces dans toutes les situations, même s'il y a de plus en plus de gants qui combinent les performances. Tous les risques au poste doivent être pris en compte et aucun ne doit être minimisé. Comme le font les responsables sécurité pour traiter tous les dangers identifiés sur un poste, ils s’intéressent aux facteurs obtenus en multipliant le niveau de risque par sa fréquence ; cela donne une bonne idée de ce qu’il faut traiter en priorité. Mais choisir, c’est toujours renoncer : si le risque majeur est chimique et le risque secondaire, mécanique, il est préférable de protéger efficacement le porteur contre les brûlures ou allergies, quitte à mettre au second plan les coupures puisqu’elles sont plus rares.
Jacques Leparc, Consultant Prévention Santé Sécurité (eRDF), est d'ailleurs convenu lors de notre entretien, que ses équipes privilégieront toujours le niveau de protection à celui du confort ou de la dextérité, même lorsque celle-ci est facilite le travail.
L'analyse est indispensable
Comme toujours, c’est l’analyse des risques au poste de travail, l’observation et le dialogue avec les opérateurs qui permet de les prendre tous en compte en pleine connaissance des niveaux de risques effectifs, quitte à privilégier certaines protections au moment du choix. Il s’agit d’être exhaustif. Quelles sont les manipulations, les gestes et l’environnement : durée de contact et dénomination des produits chimiques, niveau de dextérité nécessaire, type de coupure potentiel, température et durée du contact avec les objets manipulés, fréquence d’utilisation etc…Une description complète des manipulations faites est indispensable à une bonne préconisation de gants. A défaut, on peut avoir de mauvaises surprises. Par exemple,  lors de la manipulation de récipients contenant de l’eau bouillante, si le risque de contact avec la vapeur d’eau n'est pas pris en compte, le manipulateur qui ne porte que des gants tricotés protégeant de la chaleur, sera  ébouillanté par la vapeur. Il existe pourtant des gants protégeant de la température et étanches. Typique d’une analyse préalable trop superficielle…
Conseils des fabricants
Les acheteurs attentifs recherchent les conseils des fabricants comme des distributeurs avant de faire leurs choix. Il est certaines idées préconçues qu’il vaut mieux vérifier : contrairement à une idée reçue, par exemple, le cuir ne protège pas contre les coupures. Le marché sanctionne d'ailleurs ce fait, puisque les gants synthétiques sont en croissance, et les gants en cuir sont en baisse. Reste que les efforts en direction de l’utilisateur final sont essentiels. Qu’il s’agisse de préconisation, de conseil ou d’expertise, la connaissance du métier et des risques est ce qui permet de faire la différence entre deux fournisseurs.
Marché en croissance
Le marché des gants de protection est un marché qui continue à se développer, bon an mal an, à un rythme de 3 ou 4 %.
Il est en constante progression depuis de nombreuses années avec un potentiel de croissance encore important, alors qu'il s'agit de l'EPI le plus répandu . Ceci est lié au fait que de nombreux secteurs d’activités restent sous-équipés : les grandes entreprises sont bien équipées, mais plus les entreprises sont petites, moins elles sont conscientes des risques et moins elles sont équipées, même si cela s'améliore un peu.
Allergies… aux EPI !
De très nombreux EPI peuvent se révéler irritants ou allergisants, particulièrement en situation de port prolongé (gants, chaussures, vêtements, lunettes, équipements de plongée...). Certaines professions, dont la sécurité dépend en partie du port des EPI, sont donc particulièrement exposées. C’est, par exemple, le cas du personnel de santé (gants) ou des salariés du BTP (gants, bottes, chaussures de sécurité). Voici en quoi les gants peuvent être porteurs d'allergènes :
Gants : additifs du caoutchouc, chromates (gants en cuir). Le latex des gants en caoutchouc naturel reste de loin la cause professionnelle la plus fréquente d’urticaire de contact aux EPI.
L’Inrs a consacré en 2009 un article très complet à cette question, publié dans la revue Documents pour le médecin du travail. Celui-ci est disponible par le site de l’Inrs sous la référence TA81. Selon cet article, le diagnostic étiologique repose sur l’anamnèse, l’examen clinique et les tests allergologiques avec les batteries spécialisées et les produits professionnels. La prévention technique doit mettre en œuvre toutes les mesures susceptibles de réduire l’exposition et promouvoir l’utilisation plus large de substituts au latex et aux principaux allergènes des EPI. En résumé, la prévention médicale doit reposer sur l’éviction de tout contact cutané avec le ou les allergènes responsables. Certaines de ces affections sont réparées au titre de plusieurs tableaux de maladies professionnelles, en fonction des substances chimiques entrant dans la composition des produits utilisés.
Voir : www.inrs.fr
Le prix, oui, mais quelles garanties de qualité ?
Pour un ensemble de raisons compréhensibles, les acheteurs sont très attentifs au prix. S’il en est peu pour admettre que ce critère soit pris en compte dès l’examen et la prise en compte de l’offre, tous conviennent qu’à un moment ou à un autre le prix peut conduire à écarter un fournisseur.
Parfois, c’est un mauvais calcul…
« Outre leurs qualités, les gants de marque présentent d’autres avantages : leur origine est traçable, ils sont certifiés et nous bénéficions de vrais  conseils et d’études préalablement à cet achat technique », nous a confié Eric Balcon (Chargé de Prévention, Groupe Sill). Il y a, dans un telle préférence, la recherche d’une forme de garantie et de qualité persistante que seule une marque peut apporter.
Son fournisseur, Ansell, ne le dément pas : « Les tests normalisés conduisent à un certificat, attribué à ce moment là, raconte Marcel Willems en prenant un exemple : il est possible régulièrement de trouver des gants très bon marché avec des protections correspondant au niveau testé. Quelque temps plus tard, vous testez vous-même les imports, et là il arrive que vous n’obteniez plus le niveau de résistance noté sur le gant. Ceci est impossible avec les gants de marque connue ». Que l’on ne s’y trompe pas : beaucoup de marque connues et d’importateurs moins connus font fabriquer leurs gants au même endroit. Mais dans le premier cas, le fournisseur a bâti un fil du temps une coûteuse réputation qu’il ne peut se permettre de risquer en ne tenant pas sa promesse de qualité, alors que dans le second cas, rien n’empêchera l’importateur décevant de réapparaître sur le marché avec un nouveau nom…aux risques et périls de ceux qui ont besoin d’une vraie protection.
Que disent les normes ?
EN 420
Exigences générales : 
•Identification du fabricant, marquage du produit
•Composition du gant
•Innocuité (ex: PH des matériaux, le plus neutre possible)
•Autant de dextérité que possible selon l’usage auquel il est destiné
•Emballage, stockage, entretien et nettoyage
•Notice d’instructions : performances, pictogrammes, utilisations, précautions d’emploi, gamme de tailles disponibles...

EN 388
Niveaux de résistance de tous types de gants de protection, en ce qui concerne agressions physiques et mécaniques par abrasion, coupure par tranchage, perforation et déchirure.
Attribut 1 : Résistance à l’abrasion (de 0 à 4). Déterminée par le nombre de cycles nécessaires pour user jusqu’à la perforation l’échantillon du produit.
Attribut 2 : Résistance à la coupure par tranchage (de 0 à 5). Déterminée par le nombre de cycles nécessaires pour couper l’échantillon à une vitesse constante.
Attribut 3 : Résistance à la déchirure (de 0 à 4). C’est la force minimale nécessaire pour déchirer l’échantillon.
Attribut 4 : Résistance à la perforation (de 0 à 4). C’est la force nécessaire pour percer l’échantillon avec un poinçon normalisé.

EN 407
Méthodes d'essai, niveaux de performance thermique, marquage contre la chaleur ou le feu. 
Cette norme s’applique à tous les gants qui doivent protéger les mains contre la chaleur et/ou les flammes sous l’une ou plusieurs des formes suivantes : feu, chaleur de contact, chaleur convective, chaleur radiante, petites projections de métal fondu ou grosses projections de métaux en fusion.
Attribut 1 : Résistance à l’inflammabilité (de 1 à 4)
Attribut 2 : Résistance à la chaleur de contact (de 1 à 4), température dans la gamme de 100 à 500°C, aucune douleur pour une période d’au moins 15 secondes.
Attribut 3 : Résistance à la chaleur convective (de 1 à 4), temps de retard du transfert de la chaleur d’une flamme.
Attribut 4 : Résistance à la chaleur radiante (de 1 à 4), temps nécessaire à l’échantillon pour s’élever à un niveau de température donné.
Attribut 5 : Résistance à de petites projections de métal en fusion (de 1 à 4), quantité nécessaire pour élever l’échantillon à une certaine température.
Attribut 6 : Résistance à d’importantes projections de métal en fusion (de 1 à 4).

EN 511
Méthodes d’essai des gants de protection contre le froid transmis par convection ou conduction jusqu’à -50°C.
Ce froid peut-être lié aux conditions climatiques ou à une activité industrielle. Les valeurs spécifiques des différents niveaux de performance sont déterminées d’après les exigences propres à chaque catégorie de risque ou à chaque domaine d’application spécial.

Attribut 1 : Résistance au froid convectif (0 à 4). Mesure de la valeur de l’isolation thermique du gant en m2 x °C/W.
Attribut 2 : Résistance au froid de contact (0 à 4). Mesure de la valeur de la résistance thermique du gant en m2°C/W.
Attribut 3 : Imperméabilité à l’eau (0 ou 1), non pénétration au bout de 30 minutes.

EN 374
Résistance à la pénétration des gants contre les produits chimiques et/ou les micro-organismes.
Lorsque les gants résistent à la pénétration, qu’ils sont essayés selon cette partie de l’EN374, ils constituent une barrière efficace contre les risques micro biologiques. La norme EN374-3 concerne la détermination de la résistance des matériaux constituant les gants de perméation par des produits chimiques non gazeux potentiellement dangereux en cas de contact continu. Il est recommandé de n’utiliser les résultats de l’essai (valeur essentiellement relative), que pour comparer des matériaux par grandes catégories de temps de passage.
3 questions à... Jacques Leparc
Consultant Prévention Santé Sécurité, Direction Santé Sécurité, eRDF
Quels sont les métiers à eRDF dont le port de gants doit préserver au mieux la dextérité ?
Nous sommes distributeur d’électricité et les deux principaux métiers concernés par cette problématique sont liés au réseau aérien, d’une part et souterrain, d’autre part. Cela concerne donc environ 15.000 techniciens. Le risque principal pour les mains est la coupure, suivi par la piqûre et l’abrasion. Dans notre métier, la difficulté est la diversité des situations rencontrées et des conditions atmosphériques. Notre réflexion au départ portait sur la qualité du gant. Nous avons rapidement quitté cette dimension pour nous intéresser à la protection de
la main et maintenant, nous avons encore évolué vers le geste dans son environnement de travail.

Où cette évolution vous conduit-elle ?
Le gant, par son niveau de protection, sa qualité de préhension et son confort contribue au geste qui, lui même, augmente ou diminue le risque d’accident.
Nous prenons en compte l’environnement et les besoins de protection qu’il suscite : coupure, froid, étanchéité à la pluie ou aux huiles et graisses, piqûre, abrasion… Ce sont eux qui déterminent nos critères de choix. Nous avons privilégié le risque de coupure, en choisissant le niveau de protection 5, même
si ces gants ne sont pas toujours confortables et pas au top niveau en termes de dextérité. Nous effectuons un arbitrage favorisant le maximum de préhension, recherchant un équilibre entre le niveau de protection à la coupure et la dextérité. Enfin, nous sommes attentifs à l’environnement sociétal du fabricant (où le gant est-il fabriqué, à quel niveau sociétal, dans quelles conditions de développement durable ?). Nous conduisons des audits chez nos fournisseurs, dont le résultat est décisif.

Quels genres de gants proposez-vous à vos équipes ?
Nous mettons trois types de gants à disposition de nos techniciens: le gant en cuir classique, ; le gant textile (protection à la coupure); le gant étanche, qui présente une bonne protection contre les coupures et la meilleure préhension. Le gant « anti-coupure » est une fiction publicitaire, car il n’existe pas. Il y a différents niveaux de protection et nous recherchons le meilleur compromis.
Nous ne considérons pas le prix, comme premier critère à prendre en  compte, le choix technique est privilégié  Nous effectuons des tests au « porté ».En fonction des résultats des tests, notre service Achats consulte les prestataires et établit les marchés. Les acheteurs sont proches de nous, mais indépendants. Nous formons un tandem.