Chaussures de sécurité :
à l’usine, les pieds ont besoin de pare-chocs !
Dans l’univers industriel, la grosse chaussure, lourde à porter, équipée d’une coque métallique,
peu élégante et souvent inconfortable a vécu ! Les utilisateurs ont progressé et consentent
à se protéger, mais pas en sacrifiant confort et look.
Les uutilisateurs veulent aujourd’hui des chaussures qui se fassent oublier, particulièrement par leur confort et leur légèreté. Les jeunes notamment, ne veulent plus porter un équipement qui conserve les stigmates de métiers manuels dont l’image a été longtemps dévalorisée. Les modèles ont beaucoup progressé, la concurrence est importante. En parallèle la segmentation par métier s’est amplifiée et il est essentiel aujourd’hui que les entreprises et les acheteurs disposent véritablement d’un produit conforme à l’utilisation qui va en être faite. Parmi une offre large, beaucoup plus attractive en terme de confort et d’image il est important de renforcer l’adéquation entre la chaussure et le métier. Entre un soudeur et un agent d’entretien en usine, par exemple, la demande sera naturellement différente.
« Une mauvaise chaussure, c’est insupportable »
À l’exception de quelques modèles spécifiques (pompiers, travailleurs de la très haute tension, ouvriers en fonderie…), dans la plupart des situations l’EPI n’est pas là pour protéger d’un risque majeur et mortel. Un fois l’adaptation activité/modèle prise en considération, la différence portera sur le confort, le design et bien entendu le prix.
« Les mauvaises chaussures, c’est insupportable. Ce qui contribue au confort, c’est la forme au départ, ainsi que le montage des matériaux, le bon équilibre (avant / arrière) pour faciliter le déroulement de la marche et les qualités anti-dérapantes de la semelle. » observe Xavier Roussel, responsable du département chaussant de la marque Ergos. Les fabricants qui investissent aujourd’hui dans la recherche et le développement, travaillent à la fois sur les matières, sur les qualités technologiques de la chaussure mais aussi sur le design du produit. Il n’y aura sans doute peu de nouvelles évolutions normatives pour les chaussures de sécurité, les normes actuelles étant souvent suffisantes.
Confort primordial
« Il est plus facile de changer de gants, qui sont des consommables dont l’usage unitaire est court, que de chaussures, avec lesquelles on est embarqué pour plusieurs mois. La chaussure est le premier des E.P.I. pour lesquels le confort est primordial. Les chaussures sont devenues très sûres, mais elles ne sont pas toutes bien faites, c’est à dire confortables.» estime Xavier Roussel, qui conclut pour sa part : « La sécurité est assurée. Il n’y a plus grand chose à améliorer dans les chaussures, lorsqu’elles sont confortables, sinon leurs capacités anti-dérapantes. » Mais tout le monde ne partage pas cet avis : « La notion de confort est très subjective. La sécurité reste le problème, car il est important que les produits satisfassent la norme, considère Jean-Pierre Boutonnet, Chef des ventes B to B chez Lemaître Sécurité. Confort ne rime pas toujours avec légèreté. La sécurité, c’est souvent du poids. Par exemple, une Renault 4L, qui pesait 500 kg, ne protégeait pas de la même façon qu’une Renault Clio aujourd’hui, qui pèse 1 tonne. »
Le look véhicule un statut
« Nous sommes les premiers à avoir fait des efforts sur le look des chaussures de sécurité, estime Jean-Pierre Boutonnet. Mais derrière cet aspect, il n’y a pas que l’esthétique, c’est quelque chose de plus profond : les chaussures ont une dimension statutaire. C’est au point que l’attirance pour des produits très lookés ferait presque oublier qu’il s’agit d’abord d’un outil de travail ! D’un autre côté, l’exigence, la norme, nous brident et empêchent de rendre complètement heureux l’utilisateur. » En fin de compte, les utilisateurs s’équipent et portent leurs protections, ce qui demeure le plus important. Jean-Pierre Boutonnet observe par ailleurs que trois paramètres font que les gens s’équipent plus facilement : « les entreprises sont devenues plus exigeantes sur le port des E.P.I. ; ces derniers ont beaucoup évolué et leur qualité s’est sensiblement améliorée ; les filières de formation initiale, qui concernent d’abord les jeunes, ont pris à bras le corps la question de la sécurité au travail. C’est quelque chose que nous observons bien chez les plus jeunes, formés à se protéger.
Acheteurs pragmatiques
« Pour qu’un modèle de chaussure soit adapté, il doit répondre à différents critères tels que la sécurité, le confort, le rapport qualité / prix », rappelle avec raison Bernard Brousse, de Sanofi Winthrop industrie. Celui qui, entre autres fonctions, gère les achats d’EPI de l’industriel, s’entoure de précautions : « Les acheteurs n’ont pas pour vocation de définir le modèle de chaussure adapté aux risques. Aussi est-il important de s’entourer de spécialistes pour effectuer ses choix. Dans ce type d’analyse, il convient naturellement de définir une solution technique plutôt qu’une marque de chaussures. Nous avons trouvé profitable de mettre en place des groupes de travail réunissant les responsables HSE de différents métiers et les acheteurs leader afin de travailler ensemble et très en amont lors de la définition du besoin. »
Pour de tels EPI, une marque réputée est souvent synonyme de sécurité. Acheteurs et porteurs de chaussures réalisent assez vite si la chaussure choisie satisfait au cahier des charges et la meilleure des garanties reste encore le test au porté.

3 questions à Bernard Brousse,
Sanofi Winthrop industrie, Responsable France EPI et Vêtements de travail
À quels genres de risques les opérateurs sont ils confrontés sur vos sites ?
Différents risques sont présents sur nos sites. En effet, nous avons des métiers qui se révèlent être différents en fonction de notre localisation ? : que ce soit sur un site lié à la Chimie, à la fabrication de produits finis, ou à la distribution (stockage, etc.), selon qu’il y a des laboratoires ou non, etc. Sur tous ces sites nous trouvons des porteurs de chaussures de sécurité, majoritairement blanches et fermées. Toutefois, pour chaque risque identifié, nous cherchons le modèle de chaussure le plus adapté.
Quelles différentes solutions avez-vous étudiées pour parer à ces risques ?
Parmi les risques identifiés, il y a les chutes liées aux sols humides. Différentes solutions ont été testées :
> éviter le port de sur chausses en plus des chaussures quand on change de zone, en mettant à disposition des chaussures de sécurité différentes lors des changements de zones.
> porter des sur chausses antidérapantes, adaptées aux sols gras et humides.
Des tests ont été effectués avec différents modèles de chaussures afin de trouver celles qui sont les plus confortables et les plus adaptées. Les utilisateurs sont fortement impliqués dans les choix.
Avez-vous procédé à des tests au porté avant de faire votre choix final ?
Oui et c’est indispensable. Mais pour que les tests aboutissent à un choix final, il convient de prendre en compte plusieurs facteurs : pas trop de testeurs et différents profils ; des fiches de tests claires ; un suivi efficace et sur une période pas trop longue.

3 questions à Serge Boiron,
Préventeur – Ingénieur Sécurité, ST Microelectronics, Rousset (13)

À quels risques les employés sont ils confrontés sur le site de production de Rousset ? (13)
ST microelectronics est un fabricant mondial de semi-conducteurs qui compte plus de 50.000 salariés. À Rousset, nous sommes 2.700. C’est principalement le personnel de maintenance qui est concerné, c’est à dire environ 500 personnes, que nous équipons avec des chaussures de protection. Que ce soit dans les salles blanches ou en dehors, il y a un risque de chute de pièces lourdes qui peuvent alors écraser le bout du pied. Dans le passé il y a eu quelques incidents mineurs, mais depuis plusieurs années, le port de chaussures de protection est devenu obligatoire. Nous avons sur les questions de sécurité une position ferme et claire. La culture sécurité est importante chez nous est bien relayée par le management, qui pousse dans ce sens là. Pour faciliter l’équipement et le port des EPI, ceux-ci sont disponibles dans notre magasin. Nous disposons d’un stock-consignation mis en place par notre fournisseur.

Comment avez-vous effectué votre choix ?
Nous avons essayé plusieurs types de chaussures. Nous avons impliqué notre CHSCT dans la sélection et le choix des chaussures de sécurité. Nous avons constitué un groupe d’une douzaine de personnes qui a participé à un test au porté pendant trois semaines. Tous les ateliers étaient représentés. Le premier argument, qui ressort est le confort pour la marche puis le confort dans certaines positions que doivent prendre les techniciens dans leur travail (à genou par exemple) là où la semelle est pliée. Chez nous, si le look a son importance, ce n’est pas le critère principal, parce que les personnes sont équipées de sur-bottes en salle blanche, où les chaussures ne sont plus très visibles.

Y avait-il des contraintes techniques ?
Il nous fallait des chaussures ESD (Electro Static Dissipative), offrant une résistance électrique moindre, à cause des contraintes liées aux salles blanches. D’autre part, des chaussures de chantier n’étaient pas envisageables et il était nécessaire que ces chaussures soient confortables. En termes de prévention, s’il les EPI ne sont pas confortables et pratiques, les gens ne les portent pas et ne sont plus protégés. Nous travaillons depuis plusieurs années avec le même fournisseur de chaussures,
la société Mille.

Cuir : plus rare et plus cher
Les professionnels s’inquiètent. Ils ne parlent que discrètement du sérieux problème de matière première qui affecte leur métier : le cuir, qui est un composant essentiel pour beaucoup de chaussures de sécurité, se fait rare, de plus en plus cher. Selon eux, l’impact négatif sur le prix du produit fini, s’il s’est parfois déjà fait sentir, ne peut que s’aggraver. Tous les fabricants de chaussures tiennent le même discours et il s’agit d’une situation mondiale, très tendue.
« En Europe, il va y avoir des hausses, nous a confié un fabricant. Il n’y a plus de marges, or le coût de la matière représente 30 à 40% du coût d’une chaussure. Les hausses sont inévitables d’ici la fin de l’année. Depuis près de 40 ans que je suis dans le métier, je n’ai jamais vu ça. Les chinois achètent tout ce qu’ils trouvent et les prix montent. » Les tanneurs en sont à choisir leurs clients, parce que le cuir brut se paie cash et que la demande, supérieure à l’offre, provoque la spéculation. Les peaux s’en vont au mieux disant, qui paie rubis sur l’ongle. En effet, le cuir nécessite beaucoup de capitaux car il est payé comptant, alors qu’ensuite le processus de production est long (6 à 8 semaines de travail).
La disponibilité du cuir dépend avant tout de la consommation de viande bovine, qui est en baisse en occident, alors que la demande en cuir est en nette augmentation mondialement. Ainsi, en Chine notamment, les besoins en cuir ne cessent d’augmenter, pour le cuir d’ameublement, les sièges automobiles et les chaussures de ville particulièrement. Globalement, la demande en cuir est devenue très supérieure à l’offre. En fin de compte, l’équation se traduit par une pénurie de peaux à tanner : elles deviennent rares et donc plus chères. C’est au point que, par exemple, le prix du cuir pleine fleur a augmenté de 30% en 2 ans.
Il existe des alternatives, comme les chaussures en microfibres, par exemple, mais elles ont beaucoup moins de possibilités (résistance à l’abrasion et au feu, notamment.) Les chaussures en cuir ne peuvent pas disparaître, pour des nécessités techniques, comme leur niveau de protection, d’où une augmentation des tarifs qui semble inévitable.

Les chaussures se déplacent dans le monde…
Alors que la France voit fondre depuis quelques années bon nombre de ses emplois dans l’industrie, les pays d’Europe de l’Est sont de plus en plus demandeurs de chaussures de sécurité. Idem pour l’Asie. Des pans entiers de l’industrie équipent désormais ces travailleurs. Un marché de masse satisfait en interne, mais qui impose toutefois une production plus importante. En France, ce sont de nouveaux secteurs d’activité, comme les services, qui constituent désormais un cœur de cible pour les fabricants et distributeurs hexagonaux.