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25 mars 2020 15:11:00

Covid-19. Des masques à tout prix !

Alors que la pénurie de masques est dénoncée de toute part, les quelques fabricants français restant s’organisent pour maximiser leur production, pendant que les distributeurs attendent que la réquisition de leur stock de masques soit effective. A côté, les 2000 fabricants textiles français se mobilisent pour fabriquer des masques tissus.

« Donnez-nous des masques ! », ce cri de détresse, ils sont des centaines, voire des milliers de soignants à le pousser tous les jours sur les réseaux sociaux et dans tous les média. Une lettre ouverte à Olivier Véran, ministre de la Santé, publiée dans le Parisien, samedi 21 mars, par quatre experts de sécurité sanitaire (Claude Got, médecin, une Catherine Hill, épidémiologiste, Michel Parigot, président du comité anti-amiante de la faculté de Jussieu, Chantal Perrichon dirigeante de la ligue contre la violence routière,) plaidait pour la généralisation du port du masque. Or malgré toutes czqannonces, les réquisitions ordonnées par décret le 3 mars et revues les 13 mars et 23 mars, la France fait toujours face à une pénurie de masques, lesquels sont actuellement produits à plus de 80 % en Chine. Comment est-on passé d’un milliard de masques chirurgicaux et 600 000 masques FFP2 en réserve stratégique en 2011 à, à peine, 110 millions de masques chirurgicaux et 40 millions de masques FFP2 ? L’heure n’est pas à la polémique, et les usines produisant sur le territoire français ont répondu présentes pour tenter de pallier le manque. Paul Boyé Technologies, fabricant d’EPI à Labarthe-sur-Lèze (Haute-Garonne) a relancé en janvier ses quatre lignes de production de masques FFP2, qui ne fonctionnaient plus depuis dix ans faute de commandes de l'Etat et des hôpitaux. Ces dernières avaient été construites pour répondre aux besoins de masques lors de la grippe aviaire (H5N1) de 2006 et doublées en 2009 suite à la grippe porcine (H1N1). « Je plaide pour que les masques - produits stratégiques - continuent d'être fabriqués en France, insiste le dirigeant, Jacques Boyé. Est-ce que vous trouvez normal que les hôpitaux n'aient pas de stocks de masques FFP2 ? Je suis désolé, c'est invraisemblable! C'est comme si moi, dans mon entreprise, il n'y avait pas d'extincteurs et que je les achète au moment où il y a le feu.»  A ce jour, Paul Boyé Technologies produit 500 000 masques par semaine. Ils sont livrés uniquement au personnel de santé. D'ici la fin du mois, 1 million de masques devrait sortir des usines et 1,5 millions d'ici 3 à 4 semaines. « Nous mettons en œuvre tous nos moyens pour que la montée en puissance se fasse le plus rapidement possible, ceci afin d'assurer la sécurité de nos soignants. Leur protection en priorité est primordiale pour qu'ils puissent assurer notre propre santé. » De son côté, Ouvry, autre fabricant français de masques NRBC, s’est engagé dans la bataille. A la demande des forces publiques, d’unités de secours et des autorités (Défense, Directe, Intérieur …) Ouvry a lancé la fabrication d’un demi masque contre le coronavirus, adapté d’un produit existant, son demi masque anti-odeur et projections. Ouvry mobilise sa supply chain et adapte ses capacités industrielles en conséquence pour démarrer dès le 23 mars une première production de 5 000 masques. Le produit qui sera livré en vrac par sachets de 50 intégrera entre autre, une brique technologique utilisée dans le gant de décontamination DECPOL, un non tissé absorbant et filtrant . Enfin, Valmy, qui appartient désormais au groupe Segetex-eif, produit désormais 24 heures sur 24. Son effectif qui était de 17 salariés est passé à 45 salariés, et le directeur Nicolas Brillat prévoit une vingtaine d’embauches supplémentaires. « Je reçois des appels de clients parce que de nombreux hôpitaux en Europe n'ont plus de masques. Des gens nous commandent 1 million, 3 millions de masques, voire parfois plus. J'ai même eu une commande à 30 millions ! » Une production intensive, qui pourrait être mise à mal, si un des composants essentiels du masque (non tissé, polypropylène, élastique, barrette nasale) -venait à manquer. Quant à Uvex, dont la production allemande a été réquisitionnée par le gouvernement allemand, il possède un petit stock de FFP2 en France qui devrait être récupéré par les autorités en début de semaine.

Les distributeurs, un gisement encore mal exploité

Le gouvernement a réquisitionné une partie de la production française, ainsi que tous les stocks détenus par les entreprises utilisatrices et les distributeurs. Or ces réseaux de distribution sont mal connus : les masques de toutes sortes, et de toute provenance se retrouvant dans des circuits très variés : enseignes de bricolage ou pour le bâtiment, distributeurs d’EPI, de quincaillerie... « Le gouvernement a beaucoup de mal à identifier les filières et à évaluer les quantités disponibles, explique Laure Ferrus, responsable communication du Synamap. En contact étroit avec la direction générale des Armée , nous avons fait un appel auprès de nos adhérents pour qu’ils se signalent en précisant la nature des masques et les quantités qu’ils avaient en stock. La priorité étant les établissements ayant de grandes quantités – c’est-à-dire des stocks supérieurs à 100 000 masques. Le process est long, et est frustrant pour nos adhérents qui ont bloqué leurs stocks sur leur site depuis le 03 mars et montrent une réelle volonté d’apporter leur soutien au personnel soignant. » Une frustration que ressent Nadège Grandvoinnet, responsable produit chez Difac. « Suite à la décision de réquisition, j’ai passé des heures au téléphone à essayer de savoir comment mettre à disposition le stock : ARS, ministère de la Santé, du Travail, Direccte... Personne ne savait. Or, même si notre stock n’était pas très important – 5000, je savais que les professionnels de santé de notre région, l’Alsace manquaient cruellement de masques. Finalement, nous les avons directement donnés aux hôpitaux de Strasbourg et Colmar. » Pour Laurent Lairy, dirigeant de Protecthoms, « cette crise va entrainer de profondes mutations, et nous conforte dans notre politique RSE et de favoriser la proximité. A titre d’exemple, j’ai fait le choix de m’approvisionner en solution hydro-alcoolique chez un industriel local, et je peux sans problème fournir mes clients. Pour les masques FFP1 et FFP2, je les tiens toujours à disposition de l’Etat, mais le groupe va encore plus loin. A compter du 23 mars, nous produirons 50 000 masques d’hygiène en tissu, lavables, grâce à notre filiale de confection vêtements de travail, L’Ascenseur basée à Merville dans le Nord. »

Masques tissus : fausse bonne idée ou véritable alternative ?

L’Ascenseur n’est pas le seul à avoir mis son outil de production au service de la production de masques. Marc Pradal, président de Kiplay a avec les acteurs de la filière Mode et luxe mis en ligne un site pour recenser toutes les données afin de faciliter les contacts avec l’État pour la création de masques. De son côté, il produira dans usine de l’Orne des masques d’hygiène, autocertifiés : « Il s’agit de produire vite et de livrer vite. Nous estimons notre capacité à 40 000 pièces par semaine et nous devrions pouvoir monter à 100 000. Notre objectif, n’est pas d’alimenter les professionnels de santé, mais bien de pouvoir répondre à des professions qui continuent à travailler et sont exposés au public. Les caissières, les livreurs ou les agents de propreté, par exemple. » Même démarche chez Mulliez Flory qui va consacrer une partie de ses usines tunisiennes à la production de 300 000 masques par semaine – soit un objectif de 2 millions de pièces. Cette demande accrue en masques anti-projections a été demandée et validée par le gouvernement français après des échanges avec le ministère des finances. « Face à cette crise sanitaire nous avons bouleversé nos productions pour nous focaliser à 100% sur les besoins en matériel médical et notamment en masques anti-projections. Nous fabriquons dans nos usines tunisiennes mais aussi dans notre atelier du Longeron dans lequel nous avons une capacité de production dédiée aux commandes très urgentes. C'est notre devoir de faire notre maximum pour apporter des solutions rapides aux besoins gigantesques que le secteur de la santé traverse et nous sommes de tout coeur au côté des soignants, » a déclaré Jacques Gindre, président de Mulliez Flory. Des initiatives qui se mutiplient chez les confectionneurs : Les tissages Charlieu, Rozen, Berjac ... pour n’en citer que quelques-uns.

Toutefois, certains se posent la question de l’efficacité de ces masques – ni normés, ni certifiés. Nulle pour certains, mieux que rien pour d’autres. La Société française d’hygiène hospitalière - SF2H, a émis un avis rappelant « … de ne pas utiliser d’autre types d’écrans à la place des masques chirurgicaux (ex. masques en tissu, masque en papier, chiffons noués derrière la tête), du fait des données scientifiques concernant leur efficacité (étanchéité) très rares. ». Le CHU de Grenoble a proposé, afin d’anticiper une situation dégradée due à une pénurie de masques, un modèle de création de masque en textile dans l’objectif d’économiser les masques chirurgicaux qui sont à réserver pour la prise en charge des patients et aux professionnels de santé en situation de soins. Toutefois, certains médecins rappellent qu’il y a encore quelques décennies, le masque tissu, lavable et stérilisable était la norme dans le secteur agro-alimentaire. Si pour certains, ils peuvent donner un faux sentiment de sécurité, pour d’autres, ils présentent des performances modérées de filtration et on l’avantage d’éviter de porter les mains directement sur la main à la bouche et au nez. Aussi, devant l’urgence de la situation la DGA s’est mobilisé pour identifier des solutions alternatives aux masques FFP2 et chirurgicaux. Elle a effectué dans ses laboratoires, des tests pour mesurer l’efficacité de filtration de particules des échantillons de masques ou de tissus envoyés par des industriels, de la filière du textile. Le 19 mars, la DGA avait reçu 700 échantillons. Les résultats ont été communiqués aux industriels. Ces masques non-homologués devraient se répandre dans les jours qui viennent en attendant que des masques chirurgicaux et FFP2 soient disponibles en quantité suffisante.

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