Numérisation, IA et SST : Attention !

À l’occasion de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, l’Organisation internationale du travail (OIT), en collaboration avec l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-Osha), a publié un rapport sur l’impact de la numérisation et de l’intelligence artificielle (IA) sur la SST.
L’automatisation, la robotique et l’IA permettent de réduire les tâches pénibles, dangereuses ou répétitives, libérant ainsi les travailleurs pour des missions à plus forte valeur ajoutée. Ces technologies peuvent améliorer les conditions de travail en remplaçant les humains dans les métiers dits « 3D » : dégoûtants, dangereux ou dégradants, comme le travail avec des matériaux toxiques ou dans des environnements extrêmes.
En outre, des outils intelligents (capteurs, dispositifs portables, casques et gilets connectés) renforcent la détection des dangers en temps réel, l’évaluation prédictive des risques et la gestion proactive de la SST. La réalité étendue (XR), notamment la réalité virtuelle, est également mise en avant pour ses bénéfices en matière de formation immersive à la sécurité : elle permet une meilleure acquisition des compétences en simulant des situations à risque.
Par ailleurs, la gestion algorithmique du travail, basée sur des systèmes programmés ou de l’IA, permet d’optimiser la répartition des tâches, de détecter les besoins en formation et d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Le télétravail et les plateformes numériques offrent plus de flexibilité et favorisent l’inclusion, selon l’OIT.
Des risques induits…
Toutefois, l’OIT met en garde contre de nouveaux risques induits par ces technologies. Sur le plan ergonomique, les interactions homme-robot et les équipements comme les exosquelettes mal adaptés peuvent être problématiques. Sur le plan physique, des nuisances comme le bruit ou les vibrations sont à prendre en compte. Sur le plan psychosocial, des effets délétères peuvent apparaître : isolement, surcharge de travail, surveillance excessive, stress ou perte d’autonomie.
Les systèmes de surveillance intelligents doivent rester simples à utiliser, inclusifs, et respectueux de la vie privée des travailleurs. Une surveillance continue peut accroître le stress et engendrer une hyperconnectivité néfaste. De même, les technologies immersives (réalité virtuelle, XR) peuvent provoquer fatigue visuelle, troubles de l’équilibre ou surcharge cognitive.
Algorithmes et travail plus intense
Concernant la gestion algorithmique, l’OIT alerte sur les risques d’une intensification du travail et de dégradation de la santé mentale si la répartition des charges n’est pas bien encadrée. Quant au télétravail et aux plateformes numériques, il est crucial de surveiller les impacts physiques (ergonomie, fatigue visuelle) et psychosociaux (perte de contrôle, isolement, charge accrue).
L’OIT souligne la nécessité de politiques proactives pour encadrer ces évolutions. Bien que certains pays aient déjà adopté des mesures réglementaires (droit à la déconnexion, sécurité des robots, télétravail, plateformes), des lacunes persistent. Il est donc impératif de renforcer les politiques SST à tous les niveaux - national, régional et mondial - en s’appuyant sur les conventions de l’OIT n°155 et n°187.
Enfin, la participation active des travailleurs à toutes les étapes (conception, mise en œuvre, évaluation) des technologies numériques liées à la SST est essentielle. Des formations et sensibilisations sont nécessaires pour garantir leur bonne utilisation. Tout comme sont recommandées, une évaluation continue des risques et des recherches supplémentaires pour comprendre les effets à long terme de ces nouvelles technologies sur la santé et la sécurité au travail.
Photo d’illustration © Getty Images